Photo par Yousuf Karsh
Jeanne Sauvé a eu une vie jalonnée de «premières». Elle a été la première députée du Québec à devenir membre du Cabinet, la première femme à être élue Président de la Chambre des communes du Canada et la première femme à servir comme gouverneur général. En troquant sa carrière de journaliste de radio et de télévision pour un rôle politique très en vue, elle a certes eu son lot de défis et de controverses.
Mais cette femme de « premières » a vécu tout cela sans jamais se départir de l’élégance et du raffinement qui la caractérisaient.— Jeanne Sauvé, a Woman of Firsts (CBC)
La très honorable Jeanne Sauvé était une femme de volonté et de vision. Grande intellectuelle et communicatrice de talent, farouchement attachée à son pays, à ses idéaux et à la vie publique, elle possédait par ailleurs une chaleur, une élégance et un sens de l’humour irrépressible qui tempéraient avec grâce l’image qu’elle projetait. Tout au long de sa distinguée carrière, elle a défendu les questions les plus socialement avancées de son époque. Nationaliste convaincue, elle a toujours maintenu que l’intégrité du Canada était le produit de deux cultures prédominantes – le français et l’anglais – et elle n’a jamais cessé de promouvoir la cause de l’unité nationale. Cette « femme de premières » qui a occupé de nombreux rôles traditionnellement dévolus aux hommes estimait qu’elle contribuerait le plus à l’avancement des femmes dans la société en s’acquittant de ses fonctions d’une façon aussi compétente et professionnelle que possible et en prouvant par l’exemple leur capacité innée à participer pleinement et activement aux affaires de la nation et du monde.
JeunesseQuand son fils unique Jean-François naît en 1959, Jeanne Sauvé se donne en priorité à son rôle de mère, tout en continuant de cultiver son intellect et son savoir-faire.
En 1964, Jeanne Sauvé devient la première femme à être élue présidente de l’Institut canadien des affaires publiques, un cercle de réflexion canadien-français qui tenait des conférences annuelles sur de grandes questions nationales. Deux ans plus tard, elle est nommée secrétaire générale (et deviendra plus tard vice-présidente) de la Fédération des auteurs et des artistes du Canada, un syndicat d’auteurs et d’artistes francophones mis sur pied pour voir aux intérêts de ses membres. Pendant cette période, Madame Sauvé siège au conseil d’administration de trois sociétés de diffusion privées, ce qui lui permet aussi d’acquérir une perspective et une expérience de gestionnaire associée à la formulation de politiques en matière de communications.
Réélue en 1974, Madame Sauvé est nommée ministre de l’Environnement et s’occupe surtout de la pollution de la voie maritime du Saint-Laurent, des risques posés par les BCP et de la menace liée à la croissance de la population mondiale. Par la suite, elle se voit confier également la responsabilité des relations étrangères avec les pays de langue française. En 1975, elle se retrouve en terrain connu en tant que ministre des Communications chargée de la politique de diffusion.
Pendant ce mandat, la population du Québec a élu un gouvernement provincial séparatiste qui s’est engagé à tenir un référendum dans la province afin de déterminer si ce territoire essentiellement francophone allait se séparer du Canada. Madame Sauvé a milité avec détermination afin de convaincre ses concitoyens québécois de voter pour que la province continue à faire partie du Canada.
Lors des élections générales de 1979, Jeanne Sauvé est réélue malgré la défaite du Parti libéral. En 1980, le gouvernement conservateur minoritaire est battu et les Libéraux reviennent au pouvoir; Madame Sauvé se voit alors confier le rôle de Président de la Chambre des communes. Elle était non seulement la première femme mais aussi la première personne sans formation en droit à occuper ce poste.
Elle fait de l’unité nationale, la paix et la jeunesse les trois thèmes centraux de son mandat, et elle défend inlassablement ces questions pendant toute la durée de son poste vice-royal.
Le gouverneur général est le représentant de la Reine au Canada et il est à la tête du gouvernement du Canada. Ses fonctions comprennent des responsabilités constitutionnelles et cérémoniales qui consistent notamment à servir comme conseiller et confident du premier ministre et à intervenir, rarement quoique d’une façon décisive, en période de crise politique ou constitutionnelle afin d’assurer le maintien de l’autorité et la bonne gouvernance au Canada.
Durant son mandat, Madame Sauvé a beaucoup voyagé au Canada et s’est entretenue avec la population; elle a soutenu de nombreuses organisations non gouvernementales nationales, effectué des visites d’État dans d’autres pays, reçu des milliers de Canadiens lors de réceptions organisées à Rideau Hall, sa résidence officielle, et rendu hommage, à l’occasion de centaines de discours et d’événements, à tout ce qui est fondamentalement méritoire et noble partout au Canada.
En 1986, Madame Sauvé accepte, au nom du « peuple canadien », la médaille Nansen, récompense internationale prestigieuse pour les oeuvres humanitaires qui est décernée en reconnaissance d’efforts importants et soutenus déployés au nom de réfugiés. C’était la première fois depuis la création de la médaille en 1954 que le haut commissaire des Nations Unies pour les réfugiés la remettait à une population toute entière. La médaille Nansen est conservée à Rideau Hall.
Au terme de son mandat, Madame Sauvé, qui n’avait pas oublié les expériences positives de sa jeunesse avec JEC et l’AMJ, a choisi de laisser en héritage une Fondation qui offrirait des possibilités de leadership similaires à de jeunes adultes et permettrait de bâtir un réseau d’associations nationales et internationales pour les générations à venir.
Madame Sauvé a quitté ses fonctions de gouverneur général en 1990, après quoi elle s’est établie avec son époux à Montréal, au Québec, pour s’occuper de la Fondation Jeanne Sauvé. Celle qui fut une des femmes les plus accomplies et les plus respectées de l’histoire politique du Canada s’est éteinte le 26 janvier 1993.
Par Liane Benoit